07/08/2025
♦️ ÉDITO n°2 : « Non, un cheval bien dans sa tête ne joue pas ! » ♦️
Cette phrase en dérangera certainement plus d’un parce qu’elle vient bousculer l’imaginaire collectif et un vision très anthropomorphique du cheval.
Beaucoup aiment y voir un signe de bien-être. Pourtant, en éthologie équine, le jeu chez l’adulte n’est ni naturel, ni souhaitable.
J’ai souvent entendu dire : « Regarde, ils s’amusent, ils sont heureux ! »
Et pourtant… Ce que je vois, moi, en tant qu’éleveuse et cavalière, c’est souvent tout l’inverse.
Depuis plusieurs années maintenant, j’élève et j’observe mes chevaux vivre ensemble, naître, grandir, évoluer. J’ai vu des poulains jouer à se cabrer, à galoper à toute allure, à tester leurs limites. C’est normal. C’est leur façon d’apprendre la vie : tester leur équilibre, leurs réflexes, découvrir les règles du groupe. Le jeu est vital à cet âge-là.
Mais une fois adulte, les chevaux changent. Ceux qui ont grandi dans un environnement stable, entourés de congénères bien codés, deviennent calmes, lisibles, économes dans leurs mouvements. Ils n’ont pas besoin de « jouer ». Ils vivent ensemble, en harmonie, chacun à sa place. Ils communiquent en finesse, par des regards, une posture, une oreille tournée. Et surtout, ils évitent les contacts inutiles.
➡️ Pourquoi ? Parce que le cheval est un animal de fuite, une proie. Et ce que recherche un cheval adulte bien dans sa tête, c’est la paix. La stabilité du groupe. Le calme. Pas l’excitation. Pas les jeux de contact. Un cheval bien dans son corps et dans sa tête ne va pas provoquer ou tolérer des comportements brusques, qui viennent troubler la hiérarchie ou mettre l’équilibre social en danger.
➡️ Et ces chevaux qui “jouent” à tout bout de champ ? Ce sont souvent :
– des chevaux trop jeunes mis en troupeau sans adulte stable,
– ou des chevaux mal socialisés, excités, frustrés, parfois en manque de contact, parfois débordés par une énergie mal gérée.
‼️Et là, on confond souvent le « jeu » avec un comportement inadapté ‼️
En tant qu’éleveuse, j’ai appris à reconnaître cette sérénité silencieuse. Un cheval bien dans sa tête, c’est un cheval qui n’a pas besoin d’exploser. Qui respecte l’autre, qui prend son espace sans le voler. Le « jeu » chez l’adulte, quand il apparaît, me met donc en alerte. Il peut signaler un déséquilibre : ennui, frustration, manque de cadre, surpopulation, isolement affectif, excitation… Bref, un mal-être déguisé…
Tout propriétaire, cavalier ou encore éleveur de chevaux ne devrait pas chercher à les divertir, mais à les équilibrer ! Afin de leur offrir un cadre sain où ils n’ont pas besoin de « jouer ». Juste besoin d’être…des chevaux !
💡 PETITES PRÉCISONS SUR LE SUJET
Dans mon post, il y a des distinctions importantes à faire entre trois notions souvent confondues :
1️⃣ LE JEU : par définition, c’est une activité volontaire, sans but utilitaire immédiat, qui procure du plaisir à l’animal. Chez le cheval, il est surtout fréquent chez les jeunes, où il sert au développement moteur, social et cognitif.
2️⃣ LES INTERACTIONS SOCIALES : cela englobe des comportements comme le grooming mutuel, la proximité volontaire, ou les signaux de communication visant à maintenir la cohésion du groupe. Leur but est clair : renforcer les liens et la stabilité sociale.
3️⃣ LES EXCÈS D’ÉNERGIES : sauts, ruades, galops soudains… Ils peuvent ressembler à du jeu, mais relèvent souvent d’une libération ponctuelle de tension ou d’un regain d’énergie (changement climatique, espace ouvert, ressource nouvelle …etc), pas nécessairement d’une interaction ludique.
⚠️ Beaucoup de comportements que l’on qualifie spontanément de « jeu » dans un contexte domestique relèvent en réalité de hiérarchisation, de tensions, ou simplement d’excitation ponctuelle. Faire la différence, mais aussi choisir les bons mots pour parler d’un comportement, aide à mieux comprendre ce que le cheval exprime et à ajuster nos interventions en conséquence !