14/06/2025
Rien à rajouter, Vous avez tous dit.
Coup de gu**le du jour – Ras-le-bol.
Cela fait plus de 40 ans que je travaille au service de la reproduction équine. Plus de 40 ans à vivre au rythme des juments, des poulains, des saisons… et des humains.
Et aujourd’hui, je dois le dire : je suis fatigué. Émotionnellement. Moralement. Usé.
Avant, on se tapait dans la main. Une poignée franche, un mot donné, un mot tenu. On faisait confiance. On avançait ensemble, pour le bien du cheval.
Aujourd’hui ? On s’en protège. On se couvre, on signe, on imprime, on contre-signe, au cas où. Au cas où un propriétaire frustré, déçu ou juste de mauvaise foi chercherait un coupable. Et ce coupable, c’est trop souvent… nous.
Avant, les juments arrivaient du pré, elles étaient "au naturel", elles possedaient un instinct . Aujourd’hui, on nous explique que les céréales ne conviennent pas, que le foin est trop ceci ou pas assez cela, que la jument a besoin d’un boxe climatisé… mais avez-vous déjà passé une journée à observer une jument au pré ?
Beaucoup choisissent d’elles-mêmes le soleil, cherchant le courant d'air. Et on voudrait les enfermer à 30 degrés, sans un souffle d’air, parce que « ça fait plus sérieux ». Où est le bon sens ?
Avant, on disait : "Les saillies, c’est le matin à telle heure", point final.
Aujourd’hui ? C’est à nous de nous plier aux agendas des uns et des autres, quitte à rallonger encore nos journées déjà bien trop longues. Certains rient quand on demande un minimum de respect des horaires. Pourtant, nos journées font parfois 16 à 18 heures parfois plus, et non, nous ne sommes pas des robots.
Et puis, mettons les choses au clair : nous ne sommes ni un centre équestre, ni une écurie de propriétaires. Nous ne sommes pas là pour flatter les egos ni pour accueillir les chevaux comme dans un hôtel.
Je peux concevoir que certains d'entre vous doutent suite à de mauvaises expériences mais notre mission est claire : nourrir correctement les juments, respecter leur physiologie, et surtout faire en sorte qu'elles prennent. Le but, c’est que vos juments repartent pleines, pour que dans quelques mois, vous soyez fiers du produit obtenu. Et là, croyez-moi, quand vous nous appelez pour nous dire que le poulain ou la pouliche est magnifique, que vous êtes ravis — c’est ça, notre récompense.
Ce qui est le plus dur ? Ce n’est pas la chaleur, la boue, les nuits sans sommeil pendant les poulinages, ni même les naissances difficiles ou les urgences. Ce qui est le plus dur, c’est le relationnel.
C’est ce regard de méfiance constant, cette pression permanente, ces exigences parfois déconnectées de la réalité du cheval.
Oui, nous aimons notre métier. Oui, nous aimons les chevaux. Quand la sonnerie des birth alarm résonne c'est toujours avec joie et passion que nous accueillons un nouveau poulinage. Quand un diagnostic de gestation est positif s'est toujours avec une profonde joie que nous vous l'annonçons et à l'inverse c'est avec une profonde déception que nous vous annonçons un DG négatif, car c'est un échec pour nous.
Mais aujourd’hui, il faut aussi le dire : le plus difficile, ce ne sont pas les chevaux. Ce sont les humains.
L’anthropomorphisme devient une religion, les réseaux sociaux des tribunaux, et la patience une qualité en voie de disparition sans oublier le respect qui devient, hélas, de plus en plus rare.
Gardez à l’esprit, s’il vous plaît, que nous n’avons pas qu’une jument à gérer. Que chaque cheval compte, que chaque décision est pesée. Que nous donnons tout ce que nous avons, chaque jour. Mais que nous avons aussi des limites.
À ceux qui savent encore faire confiance, merci. À ceux qui comprennent que le vivant ne se contrôle pas comme une machine, merci.
Aux autres… Réfléchissez bien : si vous ne faites plus confiance à ceux qui s’en occupent avec passion depuis des décennies, alors que vous reste-t-il ? Des cases à cocher. Et le cheval, lui, dans tout ça… ?
L'équipe du Haras de Villeréal