04/09/2025
L’équitation américaine : rigueur, héritage et respect du cheval
L’équitation sportive américaine occupe une place singulière dans l’histoire mondiale du cheval. Née de la tradition militaire, elle a su transformer un héritage technique européen en une méthode originale, structurée et respectueuse de l’animal. Dès le début du XXᵉ siècle, des officiers américains comme Harry D. Chamberlin importent d’Italie et de France la « monte en avant » de Caprilli et l’assiette légère des écuyers de Saumur. Cette révolution — qui consiste à libérer le dos du cheval sur les sauts et à accompagner son mouvement avec souplesse — va changer à jamais la façon de monter, bien au-delà des frontières américaines.
Sous l’impulsion de grands pédagogues comme Bertalan de Némethy, l’école américaine se systématise. Némethy met en place un entraînement complet : dressage pour la souplesse, gymnastiques à l’obstacle, travail sur cavaletti, et un sens aigu du détail technique. William Steinkraus, premier champion olympique américain en saut d’obstacles, incarne cette équitation à la fois élégante et efficace. Sa défense d’une monte légère, proche du cheval grâce à la selle « close contact », devient une référence internationale. Quant à George H. Morris, il marque plusieurs générations par son exigence, sa rigueur et son esthétique — malgré les controverses qui ont terni sa fin de carrière.
Ce socle a profondément influencé l’équitation mondiale. La « monte en avant », légère et respectueuse de l’équilibre naturel du cheval, s’est imposée comme le modèle dominant dans les disciplines olympiques. Les cavaliers américains n’ont donc pas seulement bâti leur propre école : ils ont contribué à redessiner l’équitation contemporaine dans son ensemble.
Le contraste avec l’Europe, et notamment la France, demeure néanmoins frappant. D’un côté, l’Amérique a conservé un système élitiste, exigeant de lourds moyens financiers pour posséder, entretenir et préparer un cheval de sport. De l’autre, la France a choisi la démocratisation : multiplication des clubs, « Galops » comme référentiel national, mise à disposition de chevaux d’école pour permettre à des milliers de jeunes cavaliers de pratiquer.
Cette ouverture au plus grand nombre est une force, mais elle comporte aussi un risque : celui que, faute de moyens ou de formation suffisante, le bien-être du cheval et la qualité technique de la pratique soient parfois relégués au second plan. C’est pourquoi il est essentiel que la démocratisation s’accompagne d’une pédagogie forte et d’une attention accrue à l’animal.
Ces deux modèles révèlent deux philosophies : l’universalité contre l’excellence ciblée, l’accessibilité contre l’individualisation. Pourtant, loin de s’opposer, ils peuvent se compléter. L’école américaine nous rappelle que la progression durable repose sur la patience, la précision et le respect du cheval. Le modèle français souligne que ce sport peut rester une passion ouverte, accessible à tous.
Une inspiration pour les cavaliers d’aujourd’hui
L’équitation américaine nous rappelle une vérité essentielle : ce sport n’est pas une simple succession de techniques, mais une école de patience, d’exigence et de respect. Si cette tradition a marqué l’histoire, c’est parce qu’elle a su placer le cheval au centre de la réflexion : libérer son mouvement, développer sa confiance, construire une véritable harmonie avec lui.
Aujourd’hui, chaque cavalier — qu’il monte en club, en compétition ou en loisir — peut s’inspirer de cette approche. La progression ne vient pas de raccourcis, mais de la régularité, du travail bien fait, et d’un engagement sincère envers son cheval. Car un cheval n’oublie jamais la manière dont on le traite : il reflète notre attitude, notre patience et notre cohérence.
Se former, persévérer, chercher toujours plus de justesse : voilà la vraie victoire. Les médailles passent, mais la relation avec le cheval demeure. Monter, c’est accepter un chemin sans fin, où chaque pas compte — non pour aller plus vite, mais pour aller mieux.
Alors, que l’on soit héritier de l’école américaine, du modèle français, ou d’ailleurs, souvenons-nous que l’équitation n’est grande que lorsqu’elle est humble et sincère. À nous, cavaliers ou enseignants d’aujourd’hui, de bâtir cette équitation de demain : exigeante, respectueuse, et profondément humaine.
📖 En photo : Bertalan de Némethy, dont je vous recommande vivement l’ouvrage La méthode de Némethy (éditions Lavauzelle). Un livre de référence, clair et inspirant, qui illustre parfaitement la richesse et la profondeur de l’école américaine.
Sportivement votre, Éric