20/08/2025
Voici un exemple assez typique de la manière dont une justification rhétorique de la coercition est construite dans l'éducation canine.
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Je comprends l’intention derrière ces propos, c’est à dire distinguer la coercition violente, brutale, de la contrainte ponctuelle et raisonnée. Et je souris car il me semble important de relever certains glissements qui, sous couvert de bon sens, risquent de normaliser ce qui mérite au contraire un examen plus rigoureux.
▶️ Tout d’abord, l’analogie avec l’alcool est séduisante mais trompeuse.
Ce monsieur compare l'usage de la contrainte à la consommation occasionnelle d'alcool :
"𝘶𝘯 𝘷𝘦𝘳𝘳𝘦 𝘥𝘦 𝘷𝘪𝘯 𝘯𝘦 𝘧𝘢𝘪𝘵 𝘱𝘢𝘴 𝘥𝘦 𝘷𝘰𝘶𝘴 𝘶𝘯 𝘢𝘭𝘤𝘰𝘰𝘭𝘪𝘲𝘶𝘦".
👉 Il s'agit d'une métaphore destinée à banaliser la portée de l'acte, en le réduisant à un choix anodin, voire inévitable.
Mais en réalité, tous les actes coercitifs ne sont pas équivalents à un verre de vin : certains peuvent laisser des séquelles psychologiques ou physiques, même s'ils sont utilisés "à la légère".
D’ailleurs boire un verre de vin n’a pas d’impact sur autrui ; un acte coercitif, même isolé, touche directement un être sensible et peut altérer sa confiance. Ce n’est pas la quantité qui définit la nature d’un acte, mais bien sa qualité et ses conséquences vécues par celui qui le subit.
▶️ Ensuite, l’expression “coercition bienveillante” repose sur un paradoxe.
Un geste coercitif peut être animé par de bonnes intentions, mais cela n’efface pas sa nature contraignante. Dire qu’un coup donné “par amour” reste un coup. Les mots adoucissent, mais l’expérience du chien, elle, reste marquée.
👉 Il s'agit d'une forme de « rebranding linguistique » : transformer un terme perçu comme négatif en quelque chose d'acceptable, presque rassurant.
Le monsieur déplace l'attention du fait de l'utilisation de la force vers l'esprit supposé dans lequel elle est appliquée.
Les paroles n'effacent pas la réalité de l'expérience du chien.
▶️ Et puis le monsieur évoque la coercition comme ultime recours, “lorsqu’il n’y a plus d’autre solution”.
Mais qui définit ce moment ? Dans bien des cas, ce constat reflète les limites de l’humain plus que celles du chien. D’autres éducateurs, avec d’autres approches, parviennent à trouver des alternatives là où certains voient une impasse.
Il s’agit d’un biais de la fausse nécessité.
Le monsieur décide arbitrairement quand "il n'y a pas d'autre solution", sans démontrer que les autres options sont réellement épuisées.
▶️ Le parallèle avec les enfants mérite également nuance. Empêcher un enfant de traverser une route, c’est un acte de protection face à un danger mortel, non une stratégie éducative.
La plupart des comportements canins considérés comme “inadaptés” ne sont pas comparables à ce type de risque vital : ils dérangent surtout nos normes sociales.
Comparer le chien à un enfant ne sert que à normaliser la coercition.
- Mais il y a une différence fondamentale : dans le cas de la route, le danger est objectif et mortel ; dans le cas de nombreux comportements canins, il s'agit souvent de désagréments sociaux ou de malentendus qui peuvent être gérés d'une autre manière.
Un risque vital (route = mort certaine) n'est pas équivalent à un comportement canin gênant.
▶️ Enfin, présenter les choses comme un choix binaire – coercition bienveillante ou anarchie éducative – simplifie à l’extrême la réalité. Entre ces deux pôles existe tout un éventail d’approches basées sur la cohérence, la communication, la construction de la motivation et de la confiance.
En utilisant des dichotomies rassurantes, le monsieur réduit la réalité à deux extrêmes, en laissant de côté toutes les alternatives.
L'auteur oppose
👉coercition bienveillante ≠ violence/barbarie
👉cadre ferme ≠ anarchie éducative
Ainsi, ceux qui critiquent la coercition sont implicitement associés à une "utopie naïve" ou à un "laisser-faire irresponsable".
La véritable fermeté ne réside pas dans la contrainte, mais dans la constance et la clarté de nos signaux.
▶️ Et le monsieur évoque enfin le “bon sens”.
Mais l’histoire montre que ce même bon sens a longtemps justifié les châtiments corporels chez les enfants. Aujourd’hui, nous savons mieux. L’éthologie et les sciences de l’apprentissage nous offrent des outils qui rendent la coercition de moins en moins nécessaire, même ponctuellement.
Cet appel au « bon sens » est destiné à désamorcer les critiques plus radicales et à présenter l'auteur comme équilibré, raisonnable et "ni extrême ni cruel".
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Tout ce beau discours n'est pas tant une défense de la coercition en soi mais plutôt une tentative de la repositionner dans un imaginaire acceptable : non plus la violence, mais la "fermeté compatissante", non plus l'abus, mais la "responsabilité adulte".
Bref, la rhétorique de ce monsieur repose sur la normalisation, la minimisation, la fausse analogie et la fausse dichotomie.
Son discours semble rassurant, mais il est construit sur des préjugés qui détournent l'attention du vrai problème : l'impact de la coercition sur le bien-être et les relations.
Il faudrait reconnaître que parler de “coercition bienveillante” revient surtout à adoucir par les mots une pratique dont les effets réels sur la relation et le bien-être du chien restent discutables.
Le véritable progrès consiste peut-être à déplacer encore le curseur : de la contrainte à la compréhension.
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𝐅𝐚𝐜𝐞 à 𝐥𝐚 𝐯𝐢𝐨𝐥𝐞𝐧𝐜𝐞, 𝐨𝐧 𝐧𝐞 𝐩𝐞𝐮𝐭 𝐩𝐚𝐬 ê𝐭𝐫𝐞 𝐧𝐞𝐮𝐭𝐫𝐞, 𝐬𝐨𝐢𝐭 𝐯𝐨𝐮𝐬 𝐥𝐚 𝐜𝐨𝐦𝐛𝐚𝐭𝐭𝐞𝐳, 𝐬𝐨𝐢𝐭 𝐯𝐨𝐮𝐬 𝐥𝐚 𝐬𝐨𝐮𝐭𝐞𝐧𝐞𝐳, 𝐢𝐥 𝐧'𝐲 𝐚 𝐩𝐚𝐬 𝐝𝐞 𝐝𝐞𝐦𝐢-𝐦𝐞𝐬𝐮𝐫𝐞.