
08/14/2025
🐾 LE BORDER COLLIE, UN CHIEN DE CHASSE ? 🐾
Le Border collie appartient au groupe 1 de la nomenclature des races de la FCI, soit celui des bergers. De toutes les races bergères, il est celui qui conserve le plus ce qu’on pourrait appeler « l’instinct de berger », c’est à dire la volonté innée d’arrêter le mouvement et de maintenir rassemblé. Il est suivi de près par le working Kelpie et le working Aussie, et par quelques races bergères françaises chez lesquelles il existe encore quelques lignées sélectionnées pour le travail (Beauceron et Berger des Pyrénées notamment). À noter que certaines races, comme le berger de Crau et le berger de Savoie, ne sont pas reconnues par la SCC*, et c’est plutôt une bonne chose car elles ne courent pas le risque d’être sélectionnées sur un standard physique et de perdre leur instinct de berger, comme c’est le cas pour de nombreuses races qui n’ont plus de « bergères » que le nom. Le berger de Crau, rustique, volontaire et pas encore dénaturé par une sélection basée sur des critères physiques, est largement employé aujourd’hui comme auxiliaire par les bergers d’estive. Moins obsessionnel que le Border, il peut se montrer exceptionnel au travail sur troupeau tout l’été sans être « en manque » le reste de l’année.
Mais revenons à nos Borders. Il y a quelques mois, on m’a demandé mon avis sur l’éventuelle acquisition d’un Border collie en tant que chien de compagnie, en m’exposant les critères suivants :
- Chien qui peut être promené partout sans laisse
- Chien qui ne court pas derrière les vélos
- Chien qui ne course pas les chats
- Chien qui ne course pas les poules
Ceux qui me connaissent se doutent de ma réponse. J’ai conseillé à cette personne d’opter pour la race de son choix… à l’exception d’un Border ! La personne n’avait retenu du Border collie que son côté « obéissant » (ce qui ne veut d’ailleurs pas dire grand-chose, car certes, le Border est un chien qui coopère facilement avec l’humain, mais il ne porte pas en lui le gène de l’obéissance qui, SPOILER ALERT : n’existe pas). J’espère qu’elle aura été capable d’entendre mon avis, car en choisissant un Border pour les raisons sus-citées, cette personne allait clairement droit dans le mur.
Car il y a une chose que l’on oublie souvent au sujet du Border : c’est un chasseur. Il fait partie du groupe 1, c’est vrai. Mais il comporte en lui les gènes de plusieurs chiens du groupe 7, celui des chiens d’arrêt, et possiblement un soupçon de gènes de chiens du groupe 10, les lévriers. En effet, le Border doit sa démarche « coulée » et sa propension à la fixation oculaire à une bonne partie de sang de Setter, notamment Gordon et Anglais, et de Pointer. L’ajout de sang de lévrier est fort probable, notamment pour favoriser la vitesse du Border au travail, mais aussi parce qu’au 20ème siècle, les Britanniques employaient des Lurchers (croisements de Border collies et de lévriers) pour chasser. Il est très probable que du sang de ces chiens ait été mélangé à l’occasion (volontairement ou non, d’ailleurs) avec celui des Borders qui vivaient au sein de la même ferme.
Oui, le Border est un chasseur. Et même un chasseur parfois moins « malléable » que la plupart des chiens d’arrêt, car ces derniers, comme leur nom l’indique, se figent devant un gibier au lieu de le poursuivre. Le Border, lui, prend un immense plaisir à la poursuite, ce qui le rend plus prompt à démarrer au quart de tour devant tout ce qui bouge. Il y a bien moins d’épagneuls bretons ou de braques allemands réactifs au mouvement que de Borders… Dommage, d’ailleurs, que les chiens d’arrêt soient encore trop boudés comme chiens « de compagnie », car si on leur procure suffisamment d’activité, ils sont des compagnons très agréables… et ils n’ont pas le coup de dent aussi facile que certains Borders hypersensibles !
Il est vrai que les patrons-moteurs de capture et de mise à mort ont été supprimés chez le Border (comme chez la plupart des chiens de chasse aussi, à l’exception de la plupart des chiens courants, des terriers et des lévriers, par ailleurs interdits de chasse en France), ce qui en fait rarement un chien qui va décimer la moitié de la faune sauvage à chaque promenade. Mais un Border collie n’est que rarement un chien que l’on peut promener partout sans laisse, à moins qu’il n’ait que très peu d’instinct ou que son besoin de gestion du mouvement soit complètement comblé en parallèle. Et même là, il convient de rester prudent : mes deux Borders travaillent régulièrement sur troupeau et, quand ils ne peuvent pas bo**er, ils comblent leur besoin de gestion du mouvement en se « conduisant » l’un l’autre. J’ai la chance de pouvoir les lâcher quasiment partout. L’un des deux ne réagit absolument pas au mouvement des véhicules, mais l’autre, même en ayant ses besoins comblés, y réagit encore une fois sur dix. Un Border reste un Border !
Encore une fois, quand on opte pour un chien de race, la première question à se poser est : pourquoi cette race a-t-elle été sélectionnée ? La sélection sur le travail est-elle encore récente (dans le cas du Border, OUI !) ? Quels patrons-moteurs ont été sélectionnés pour effectuer ce travail et quels impacts peuvent-ils avoir sur son comportement au quotidien ? Quelles activités de substitution vais-je pouvoir proposer à mon chien pour satisfaire ses patrons-moteurs ? Car non, on ne rencontre pas les mêmes problématiques quand on vit avec un Border ou avec un Jack Russel. On ne vit pas la même expérience quand on partage son existence avec un Berger Allemand ou avec un Podenco. La bonne volonté et l’éducation ne suffisent pas à effacer complètement plusieurs siècles de sélection artificielle, et chez les races encore sélectionnées aujourd’hui sur leurs aptitudes au travail, c’est encore plus probant !
Soyons responsables et les refuges seront moins pleins 🙏
*Petite correction : le berger de Savoie est reconnu par la SCC depuis 2020.
Elsa Weiss / Cynopolis
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