10/06/2025
Je milite depuis 2 ans à la création de une législation de chiens guides et assistance au Quebec. J ai joins mes efforts à OPHQ en partageant mes données et mes enquêtes et lettres de soutiens. Finalement après plusieurs efforts une journaliste a accepté de publier sur les fraudes des écoles auprès de IVAC qu on apprend ne pas savoir combien ils se font frauder… voilà pourquoi mon ecole de chiens d assistance n est pas ouverte « encore »
Voici le superbe article
Marie Christine Bouchard Tribune département enquête
Marie-Christine Bouchard
Journaliste à l’équipe d'enquête
Les Coops de l'information
C. 819 434-5948 | [email protected]
« Au Québec, n’importe qui peut se dire formateur de chiens d’assistance. Ni les écoles ni les éducateurs ne sont certifiés, pas plus que les animaux qu’ils forment. Résultat: des prix qui s’envolent, des résultats inégaux, des bénéficiaires en détresse et une facture que Québec paie sans savoir ce qu’il obtient réellement en retour.
Depuis 2021, le régime d’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC) rembourse les frais d’acquisition d’un chien d’assistance, si la présence de l’animal est jugée nécessaire à la réadaptation. Combien de personnes en ont bénéficié depuis quatre ans? Combien l’IVAC débourse-t-elle par dossier? Impossible de le savoir.
«Il faut savoir que les chiens d’assistance font partie d’un marché non réglementé, où les pratiques, les certifications et les prix varient énormément», explique Nicolas Bégin, porte-parole de la porte-parole de la Commission des normes, de l’équité et de la santé et sécurité au travail (CNESST), qui gère le régime de l’IVAC.
«Nous n’avons malheureusement pas de données spécifiques. Les frais sont inscrits dans “Divers”, qui comprend plusieurs autres types de dépenses», ajoute-t-il.
Victimes flouées et mises en danger
Josée Bélanger fulmine. Vivant avec un choc post-traumatique complexe, cette infirmière en congé devenue professionnelle de l’élevage canin a vu sa vie transformée grâce à ses chiens d’assistance. Depuis plus de deux ans, elle milite pour qu’une législation québécoise encadre les écoles de dressage.
Josée Bélanger se trouve avec Pax, son chien d'assistance qu'elle a elle-même formé grâce à sa formation d'éducatrice canine. Son chien sera bientôt certifié en Nouvelle-Écosse, l'une des trois provinces canadiennes a avoir légiféré sur la question des chiens d'assistance.
Josée Bélanger se trouve avec Pax, son chien d'assistance qu'elle a elle-même formé grâce à sa formation d'éducatrice canine. Son chien sera bientôt certifié en Nouvelle-Écosse, l'une des trois provinces canadiennes a avoir légiféré sur la question des chiens d'assistance. (Courtoisie)
«Aucune loi. Aucune vérification. Aucun encadrement. Les cowboys modernes de l’arnaque canine s’en donnent à cœur joie: ils montent des écoles bidon, facturent des milliers de dollars pour un “chien d’assistance” souvent inexistant ou inapte, et ils se font rembourser par l’IVAC. Facile, et sans que personne ne pose de questions», lance-t-elle.
L’argent public perdu est «scandaleux», ajoute Mme Bélanger, mais ce n’est pas le pire: «Quand un chien d’assistance ne remplit pas les tâches pour lesquelles il est censé aider le bénéficiaire, il y a des conséquences directes sur la vie des victimes».
«Ce qui me tient le plus à cœur, c’est que les victimes qui ont besoin d’un chien d’assistance reçoivent vraiment les services requis, sans être flouées ni mises en danger», insiste Mme Bélanger.
À l’Office des personnes handicapées du Québec, les effets du manque d’encadrement des chiens d’assistance sont tangibles. Entre 2017 et 2024, les plaintes ont augmenté de plus de 60 %.
«On est à environ 55 plaintes par année, dont une quarantaine nécessitent une enquête. Et on estime que ce n’est que la pointe de l’iceberg», indique Daniel Jean, directeur général de l’Office.
Écoles inadéquates, vies en suspens
Annie Lévesque attend depuis des années un chien d’assistance pour se reconstruire après avoir été victime d’un acte criminel. En 2022, son psychiatre lui en prescrit un. Elle s’est aussitôt lancée à la recherche d’une école.
Le premier chiot a été confié à une famille d’accueil. Puis un bon jour, le téléphone sonne: rien ne va plus, elle doit aller le chercher. «Il avait 10 mois. Il n’était pas 100 % propre, il avait détruit toutes les traînes de plancher… Il était incontrôlable», dit-elle avec tristesse.
Un deuxième chiot, gardé chez elle sous la supervision d’une autre école, est finalement jugé trop anxieux pour être un chien d’assistance.
Annie Lévesque redouble d’efforts pour ne pas sombrer à nouveau dans le désespoir.
En mars dernier, elle tente une troisième école. Leur méthode: des séjours intensifs en alternance entre l’école et la maison. Mais dès le premier retour, son chien présente une blessure, une infection aux yeux et un pelage malodorant.
De fil en aiguille, Mme Lévesque découvre la réputation douteuse d’un des propriétaires. Elle décide donc de mettre fin au contrat. Elle souhaite bien sûr payer pour les services rendus, mais l’école lui réclame alors le double du prix convenu.
Résultat: la dame n’a ni l’argent pour payer ni le chien adéquatement formé dont elle a besoin depuis des années.
L’IVAC se dit impuissante. Pour cette femme déjà fragilisée, c’est un nouveau coup dur. Au bout du fil, un long silence s’installe. «C’est difficile… très difficile», soupire-t-elle.
Des chiens qui sauvent des vies
Vivant avec un trouble du stress post-traumatique, le vétéran Guy Riel affirme sans détour que son chien d’assistance lui a sauvé la vie.
«Sans lui, je serais mort aujourd’hui», dit-il sans détour, le regard chargé d’émotion.
Il a suivi des années de thérapie pour apprendre à vivre avec l’hypervigilance, un symptôme qui le fait vivre en état d’alerte constamment, comme si tout pouvait se transformer en danger immédiat. Mais c’est son chien Maze — son «bébé magique» — qui a vraiment le don de transformer ces moments de stress en sentiment de sécurité tangible.
Lors d’une sortie à la piscine, par exemple, le brouhaha ambiant a failli faire flancher le vétéran. Sentant son malaise, Maze s’est assis devant lui. «Il était là, comme pour me dire: “Arrête, ça va aller”», raconte M. Riel.
La connection entre Guy Riel et son chien Maze a littéralement sauvé la vie du vétéran.
La connection entre Guy Riel et son chien Maze a littéralement sauvé la vie du vétéran. (Etienne Ranger/Le Droit)
«Ces chiens sentent quand tu n’es plus capable. Mais cette relation, elle se construit chaque jour. Le chien d’assistance doit être apte, bien formé par des éducateurs canins qui ont aussi beaucoup d’habiletés avec les humains. Le travail doit se continuer ensuite entre le bénéficiaire et le chien. Moi, mon chien est avec moi tout le temps… C’est ma bouée de sauvetage.»
Avant d’avoir son premier chien d’assistance, l’ancien militaire vivait isolé. Aujourd’hui, son animal agit comme «facilitateur social».
«Quand j’arrive avec mon chien, ce ne sont plus mes pas qui vont vers les autres, ce sont eux qui viennent vers moi. C’est facilitant», se réjouit-il.
Maze est le troisième chien d’assistance de Guy Riel, qui milite pour un encadrement plus rigoureux, afin que d’autres vétérans comme lui puissent aussi compter sur cette présence fiable et sécurisante. Et retrouver une place active dans la société.
«Aucune balise claire»
Un rapport de juin 2024, signé par l’Office des personnes handicapées et la Commission des droits de la personne, est sans équivoque. Il n’existe «aucune balise claire» pour garantir la qualité et la formation des chiens d’assistance au Québec.
Les Coops ont fait le test: nous avons acheté en ligne un brassard pour chien d'assistance à moins de 20$. Il se trouve ici sur un chien énergique, qui n'a pas l'attitude d'un chien d'assistance. Ce brassard sert aussi à certaines écoles. Autrement dit, il est impossible de s'y fier pour savoir si le chien d'assistance en est réellement un ou non.
Les Coops ont fait le test: nous avons acheté en ligne un brassard pour chien d'assistance à moins de 20$. Il se trouve ici sur un chien énergique, qui n'a pas l'attitude d'un chien d'assistance. Ce brassard sert aussi à certaines écoles. Autrement dit, il est impossible de s'y fier pour savoir si le chien d'assistance en est réellement un ou non. (Jean Roy/La Tribune)
Contrairement à l’Alberta, la Nouvelle-Écosse ou la Colombie-Britannique, aucune norme ni autorité reconnue ne supervise les écoles. Résultat: des prix qui varient fortement et peuvent atteindre plusieurs dizaines de milliers de dollars. Québec n’a aucun moyen de vérifier si l’argent public rembourse des services réellement adaptés, souligne le rapport, qui évoque le risque d’un «usage frauduleux» de fausses attestations achetées en ligne.
D’ailleurs, le matériel pour identifier son propre chien comme «chien d’assistance» est facile à trouver sur Internet.
Les Coops ont fait le test. Pour moins de 25 $, nous avons pu commander un brassard identique à des brassards aperçus dans la région de l’Estrie.
Combien coûte un chien d’assistance?
Difficile de savoir combien coûte un chien d’assistance au Québec. Les prix varient énormément d’une école à l’autre. Certaines demandent aux bénéficiaires d’avoir leur propre chien. D’autres le fournissent. Certaines donnent des cours en personne. D’autres en ligne. Il n’y a aucune formule standard. Des écoles soutenues par des fondations offrent des chiens gratuitement. Mais les listes d’attente s’étendent sur plusieurs années.
«Sans fondation, un chien d’assistance peut coûter de 10 000 $ à plus de 40 000 $», précise Dany Grondin, de l’Office des personnes handicapées du Québec.
Impossible aussi de savoir combien de Québécois sont en attente d’un chien d’assistance. «Chose certaine, c’est un parcours du combattant», constate Josée Bélanger.
Des solutions, mais pas encore appliquées
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Des normes, une loi, une formation obligatoire pour les éducateurs canins: les pistes de solution existent, écrites noir sur blanc dans le rapport de juin 2024.
La Colombie-Britannique, l’Alberta et la Nouvelle-Écosse sont déjà passées par là. Mais au Québec, rien n’est encore appliqué.
«Le statu quo n’est pas souhaitable et l’État doit se positionner», lit-on dans le rapport «Reconnaître les chiens d’assistance au Québec».
Il recommande l’adoption d’une loi spécifique, la mise en place d’une certification québécoise des écoles et des formateurs, ainsi qu’un programme de formation spécialisée.