23/09/2025
« Ne te fais pas trop rare. » « Nous te lisons pas assez. » « Nous ne te voyons pas assez dans les groupes de professionnels. » « Je m'attendais à ce que tu donnes ton avis sous ma dernière publication. » « Il faut que tu fasses vivre ta page, il faut poster tous les jours ! »
Toutes ces phrases me sont offertes régulièrement depuis des années. J'ai fait l'effort de me plonger dans les groupes de professionnels, de participer, de lire un petit peu tout, de donner mon avis, d'exprimer mes désaccords, d'affronter les railleries multiples... Mais depuis quelques semaines, je m'éloigne à nouveau pour me concentrer sur d'autres horizons : mes recherches tout d'abord et mes clients (ainsi que la précieuse locomotive des chemins de fer du Creusot, ma seconde épouse).
J'ai la chance de fréquenter, d'avoir discuté avec de grands noms de la profession. Des formateurs de renom, des conférenciers très demandés, des professionnels avec des décennies d'expérience, d'autres plus jeunes (parfois plus jeunes que moi) très intéressants avec des compétences et savoir-faire que je ne possède pas. Ce en plus des scientifiques qui me font l'honneur de me répondre et de m'accorder du temps et qui, en toute franchise, sont à mes yeux beaucoup plus attrayants...
Je suis las. Et aujourd'hui, je m'éloigne de nouveau.
Par principe, un éducateur canin est un professionnel du dialogue. Ce sont les travaux de Pierre Jouventin qui nous enseignent cela. Cette notion est particulièrement valable pour un comportementaliste. J'aime me placer en spectateur, simplement observer. Et quel est mon constat ?
Le chaos. L'immense majorité est occupée à combattre l'autre ou se défendre des premiers. Nous ne sommes même pas capables de nous mettre d'accord sur la définition d'éducation, nous confondons avec le dressage trop souvent, nous nous chamaillons à propos de l'utilisation d'une laisse, de la manière d'apprendre le rappel ou tout simplement à propos de la place du chien. Nous nous disputons à propos d'interactions simples, générant des centaines d'opinions différentes pour un même événement. Nous nous menaçons, agressons, intimidons, insultons les uns les autres. Pire ! Nous ne sommes même plus capables de définir clairement nos professions.
Qu'est-ce qu'un comportementaliste ? Qu'est-ce qu'un dresseur ? Qu'est-ce qu'un ré-éducateur ?
Le chaos est tel qu'il est impossible de cadrer correctement nos professions.
Une partie de mes recherches s’intéressent aux méthodes d'éducation et de gestion canine anciennes. Les mêmes conclusions reviennent encore et toujours : éduquer un chien, c'est très simple.
Le sujet de la dominance ? Le sujet de la hiérarchie ? Le sujet est très simple, évident. Alors pourquoi cela déclenche-t-il une guerre sans merci revenant régulièrement avec encore et toujours les mêmes arguments jusqu'à étouffement jusqu'à la prochaine passe d'armes ? C'est lassant et indigne des titres d'experts que nous nous attribuons.
Je n'ai pas choisi cette profession pour devoir me chamailler avec mes propres confrères à propos des bases. Je n'ai pas choisi cette profession pour devoir surveiller l'attroupement qui risque de se générer à chaque cours sur terrain, quand il ne s'agit pas tout simplement d'une agression. Je n'ai pas choisi cette profession pour m'entendre dire par un refuge qu'il n'est pas utile d'éduquer un chiot de moins de 3 mois. Je n'ai pas choisi cette profession pour arracher des dizaines d'euros à un client pour simplement ouvrir une porte (c'est arrivé ! La solution consistait à... Ouvrir la porte.). Je n'ai pas choisi cette profession pour devoir justifier tous les jours que je suis légitime dans l'exercice de ma profession, que je mérite de porter mon titre. Je n'ai pas choisi cette profession pour me battre avec mes confrères afin d'obtenir un client.
J'ai choisi cette profession pour aider des familles avec leurs animaux. Pour leur apprendre à comprendre et régler leurs problèmes. J'ai choisi cette profession par amour des canidés. J'ai choisi cette profession par passion de la compréhension et de l'interaction avec l'animal. J'ai choisi cette profession pour œuvrer à l'amélioration de la cohabitation entre Terriens d'espèces différentes.
Il y a deux jours, j'ai rencontré une dame, charmante, avec une poussette dont l'occupant était soigneusement installé et bien protégé de la pluie. Il s'agissait d'un bichon. Madame m'a expliqué qu'il avait 9 mois et que, comme il s'agissait d'un chiot, il était limité à 500m de marche quotidienne. Quand, stupéfait, j'ai demandé qui lui a conseillé cela, madame m'a répondu « mon vétérinaire ». (Pour l'anecdote, j'ai répondu ceci : « Est-ce que vous croyez que naturellement un bichon de cet âge se limitera à 500m ?... … Laissez vivre votre chien. »)
J'ai choisi cette profession pour comprendre les animaux et pour aider les humains à comprendre les animaux. Mais lorsque je vois ce qu'il se passe au sein de nos professions, l'image lamentable que nous offrons aux clients, aux journalistes, aux autorités, aux militants, je ne peux que soupirer de fatigue et de lassitude.
Il n'y a jamais eu autant de professionnels de l'éducation et du comportement du chien. Il n'y a jamais eu autant d'associations de protection de l'animal et de places en refuge. Pourtant, il n'y a jamais eu autant de chiens à problèmes et le nombre de chiens ayant besoin d'un refuge ne fait que monter. Et pendant ce temps-là, nous nous chamaillons pour savoir s'il faut oser dire « non » de temps en temps à un chien.
Quelle image lamentable nous offrons.
Actrice
Esme ♀ Berger australien